Né à Etalans le 15 octobre 1832, Eugène Cusenier est à l’origine d’une société mondialement connue à son époque. La société Cusenier a été fondée en 1857 par Eugène Cusenier à Ornans et n’a fait qu’accroître son succès au cours des années. L’usine d’Ornans fabriquait des spiritueux en commençant par l’absinthe et le kirsch puis d’autres liqueurs. La société E. Cusenier, Fils aîné et Cie fait aujourd’hui partie du groupe Pernod Ricard.
Une ascension fulgurante
Les bâtiments en pierre de taille calcaire situés au 9 rue Eugène-Cusenier dans le centre de la ville d’Ornans ont été construits entre 1881 et 1885 en intégrant la première distillerie Cusenier édifiée en 1868. Ces bâtiments comprennaient un logement patronal, un atelier de fabrication ainsi que d’autres édifices. Les initiales EC, forgées sur les grilles des portes du rez-de-chaussée, renvoient incontestablement au fondateur. Grâce à la diversification de ses produits et à l’implantation d’autres succursales en France et à l’étranger, la société E. Cusenier Fils aîné et Cie s’est peu à peu agrandie.
Eugène a bâti son œuvre si considérable non pas sur d’étroites combinaisons, mais sur une large et haute conception de la loyauté commerciale et de l’art professionnel.
En 1871, c’est la première filiale parisienne qui a été créée au 226, Boulevard Voltaire où l’on peut encore observer le nom Cusenier gravé en majuscules dans la pierre. Contrairement à l’usine d’Ornans consacrée à produire les Kirsch et l’absinthe, l’usine de Paris produisait une grande variété de spiritueux, de liqueurs mais aussi des sirops, de l’eau de Cologne, de l’eau de mélisse, etc. Un an après, Cusenier ouvre une troisième usine dans Charenton près de Paris. La société devient en 1874 la Société de la Grande Distillerie, E. Cusenier, Fils aîné et Cie. Peu à peu, c’est au tour de Bruxelles et Marseille de l’intégrer.
En 1889, la grande exposition universelle de Paris classe la compagnie Cusenier hors concours en reconnaissant la qualité supérieure de ses liqueurs de par leur goût et leur présentation luxueuse. En effet, la société était aussi réputée grâce à sa promotion bien pensée et la forme de ses bouteilles, affiches, catalogues, cartes postales. As de la communication, la société déjouait les attaques et répressions anti-alcools en présentant son produit absinthe oxygénée comme bonne pour la santé et sans la nommer par son nom.
Après la mort d’Eugène en 1894, la distillerie à Ornans continue sa fabrication de spiritueux grâce à une trentaine de salariés. Malgré l’interruption de la vente d’absinthe durant la première guerre mondiale, elle poursuit son ascension en inaugurant en 1935 l’établissement de La Courneuve, la plus grande distillerie du monde. Au total, la Grande Distillerie Cusenier comportera neuf usines (Paris, Charenton, Ornans, Cognac, Marseille, Mulhouse, Bruxelles, Buenos-Aires, Montevideo) et de nombreuses agences à Londres, New York, Mexico, Mayence, Tunis, Sao Paolo, Shanghai, etc. A l’époque, il s’agit d’une des sociétés françaises les plus connues internationalement !
En 1937, la distillerie d’origine située à Ornans ferme ses portes pour s’expatrier à Dijon. Depuis 1953, les bâtiments ont été vendus et rachetés pour être transformés en caserne de pompier, en gymnase de collège privé, en école jusqu’en 1999 puis en appartements.
Un esprit familial et territorial
La distillerie Cusenier est avant tout une histoire de famille. A la mort d’Eugène Cusenier en 1894, les ouvriers ont été vivement affectés et cela s’explique en partie par la pratique d’un management paternaliste. Eugène Cusenier était considéré comme un père de famille par ses salariés, il faisait preuve d’une grande bonté et veillait au bien-être de chacun en créant, avec l’aide du chef comptable, une société de secours mutuel. Il payait ses employés malades et les faisait soigner à ses frais. Pour éviter toute tentation au détournement, il distribuait gratuitement, de temps à autres, diverses consommations désirées. Eugène Cusenier était entouré de ses quatre frères et de ses trois beaux-frères, rattachés à des opérations et des postes importants. Reconnaissants, les employés et ouvriers de M. Cusenier lui ont offert son buste en bronze.
Suite à son décès se succéderont les autres membres de la famille pour diriger l’entreprise, notamment son petit frère Elisée. Les frères Jules et Valentin Cusenier ainsi que diverses personnes de la famille contribueront également au développement de la société. Elisée Cusenier a su prendre en main cette popularité qu’avait gagnée la distillerie Cusenier. Il fut Président du jury international des récompenses à l’Exposition universelle de 1900, et fut nommé membre de la commission extra-parlementaire des alcools par le gouvernement. Pendant une vingtaine d’années, il fut également maire d’Étalans. À sa mort, il légua sa fortune à des établissements de bienfaisance à Besançon et à Ornans. On peut aujourd’hui observer dans un square de Besançon au bord du Doubs, un buste dédié à Elisée Cusenier.
Buste d’Eugène Cusenier Buste d’Elisée Cusenier
Outre l’attachement à la famille, c’est également au territoire que l’entreprise doit son succès. Après un voyage en 1857 autour de l’Europe pour découvrir les derniers développements des distilleries, Eugène Cusenier établit sa propre distillerie dans la région, là où sont cultivées les cerises des Kirsch célèbres. Les fruits macérés pour ces kirschs et ces liqueurs ne proviennent nulle part ailleurs que de la vallée de la Loue et la vallée d’Alsace ! La production d’absinthe est également très importante à Pontarlier à ce moment-là. La distillerie Cusenier d’Ornans contribua également à faire fonctionner l’économie locale : charrons, tonneliers, forgerons, maréchaux-ferrants… De nombreux métiers ont été sollicités !
Processus de distillation
Les absinthes traditionnelles sont issues de la macération d’un mélange de plantes puis de la distillation de ce mélange. Les trois plantes principales pour fabriquer de l’absinthe sont l’anis vert, le fenouil et la grande absinthe. D’autres herbes et épices peuvent venir compléter ce trio comme la mélisse, la petite absinthe, l’hysope, l’anis étoilé, la coriandre, la véronique, la genièvre ou encore la noix de muscade. On les choisit en fonction du terroir, du climat et des techniques de culture et récolte.
- La macération consiste à entreposer ce mélange de plantes pendant quelques jours au sein d’une cuve à alcool. Les absinthes de qualité en France sont réalisées avec une eau de vie de raisin. Le liquide obtenu est ensuite filtré et réduit avec de l’eau.
- La distillation est la deuxième étape, elle consiste à séparer l’alcool de l’eau en chauffant le mélange à l’aide d’un alambic.
Vers 1880, la distillerie Cusenier est équipée de trois alambics à bain-marie (600, 800 et 100 litres) et de deux alambics à feu nu de 1180 litres chacun. Ses caves ont une capacité de stockage de 2000 hl. Plus tard en 1910, l’usine se sert au minimum de 13 alambics.
Pour élaborer du kirsch, la méthode se fait également en deux étapes mais à partir de cerises. Ces fruits sont broyés et dénoyautés puis ils fermentent dans un tonneau. Le moût obtenu a transformé le sucre des cerises en alcool. La distillation de ce moût intervient suite à la fermentation pour une nouvelle fois séparer l’alcool de l’eau.